Un seul Être

Publié le par Domiji

L'envol. peinture de Julia Andrée. présences de lumière.com

Se réveiller du rêve dans lequel on serait quelqu'un d'éveillé.

Voici que se présente l'ultime défi, et La Vie dans son incommensurable amour vient briser le reste d'image auquel le je s'accroche pour perdurer encore...

"Me vois-tu en tout ?" murmure en moi le chant de l'Absolu... Et chaque jour ou presque les mises en situations délicates viennent vérifier ce fait; entrelacées de ce vécu où tout s'efface dans une lumière de feu, il y a des scènes de la vie, lourdes et emprisonnantes qui tentent de me faire croire à leur réalité, et à la mienne...

"Te vis-tu en tout ?" me rayonne au cœur l'Amour parfait quand je me rêve encore moi confrontée au monde, aux autres et que je me débats pour exister en oubliant que La Vie se vit ainsi. Et puis toutes les frontières s'abolissent et je vis l'autre en moi, puis je ne suis plus moi, je ne suis plus que l'autre, et puis plus rien que Tout.

Incroyable, impensable... il n'y a qu'UN seul Être qui se joue d'être tout à la fois, et parfois dans des rencontres fracassantes pour venir ébranler ce qui dort encore, les poings serrés...

L'homme que j'accompagnais depuis plusieurs semaines était atteint d'une myopathie fulgurante. Pas si âgé que ça, 67 ans. Mais ça faisait dix ans que la maladie réduisait son corps chaque jour d'avantage à un bloc inerte et lourd et depuis quelques semaines son état empirait. Il ne pouvait plus bouger, ni manger seul, ni rien faire et ses journées devinrent un long enfer où quasi chaque instant il devait être assisté d'une auxiliaire. Vu les circonstances, on se relayait chez lui par tranche de 7 ou 8 heures. Le plus souvent je faisais la période de midi à sept heure du soir.

Cet homme avait toute sa tête, un mental fort, très structuré. Il avait été architecte spécialisé dans les constructions d'immeubles. Il était très autoritaire, et parfois odieusement méprisant, cassant, humiliant. Une personnalité imposante, particulièrement érudite mais dominatrice et sombre, habitée  par des idées extrémistes et totalitaires. Contrastant avec ce côté désagréable de sa tonalité de vie il y avait une grande tendresse pour les animaux, un amour de la nature, de "sa" France et une capacité d'humour d'autant plus déconcertante qu'on ne s'y attendait jamais.

"Peux-tu tout embrasser de compassion?" me chantait la Joie de l'Etre....

Euh... J'y allais quand même à reculons! La situation était épineuse, stressante, certaines auxiliaires laissaient tomber tant le personnage était écrasant et générait un climat de peur. Je le trouvais presque fascinant : comment un être aussi diminué parvenait-il à tenir tout son personnel sous sa botte? La plupart du temps je pouvais l'accompagner sans me sentir affectée par ses remontrances, ça me traversait. Pourtant parfois cela venait titiller là où je me croyais être intouchable ! Mais si on se croit encore quelque chose, et surtout si on se pense "éveillé", c'est toujours dans cette crispation que l'on est heurté! Et hop on se sent à nouveau enfermé dans ce petit individu pouvant se sentir blessé par la méchanceté de l'autre... Dans ces conditions, garder à l'esprit que ce contre quoi on se cogne est toujours l'occasion d'un retournement en Soi, et remercier La Vie de cette nouvelle opportunité de sortir du rêve ... d'être quelqu'un d'éveillé!

Je saisis le défi que lançait La Vie : ne voir que Dieu en lui et laisser mon cœur ouvert à cette différence en le recevant comme l'une des multiples expressions de l'Un, dans Son jeu infini. Tous les jours que je devais passer avec lui devenaient le moyen idéal de défaire tout jugement et de s'oublier complètement en servant Dieu à travers cette forme de vie. Aimable ou pas.

Et la magie opérait, plusieurs fois le masque tombait et il devenait touchant dans son abandon, dans sa vulnérabilité. Nous parlions alors sereinement de son proche départ pour l'au-delà. Il l'attendait, même s'il ne croyait en rien, il l'appelait ne pouvant plus supporter cette vie de douleur et de frustration. Mon cœur s'ouvrait tout grand laissant passer un flot de compassion venant se toucher d'Amour en cet être apparemment  tyrannique.

Un soir, ma collègue arrivant avec un certain retard, je dus courir tout le long de la route pour attraper mon bus afin de rentrer chez moi. Je l'eus de justesse. Le lendemain il me dit : "je vous ai vu courir hier soir pour attraper votre bus. Vous avez couru tout le long du trajet . Je vais ai accompagné...". Je croisais son regard et je sus avec certitude qu'il ne mentait pas. Cet homme, emprisonné dans son corps inerte, et n'ayant plus pour horizon que les quatre murs de sa chambre, avait développé une grande force mental, un sens télépathique et la capacité d'expanser son esprit loin des limites de son véhicule physique. Son attention me toucha.

Pourtant ce n'était pas gagné. Il arrivait que je ne travaille pas plusieurs jours de suite, lorsque je retournais chez lui, tout ou presque était à recommencer tant il était construit par cette force oprimante. Dés qu'on rentrait chez lui, on se retrouvait sous cette emprise. Il n'était pas question de me faire apprécier de lui, encore moins d'essayer de le convaincre de quoi que ce soit. Il y avait juste à élargir ma vision en revenant sans cesse au fait que je ne voyais que Dieu, le Soi, l'Amour, à travers cette forme de vie, exactement telle qu'elle était. Pour ne pas interférer dans son athéisme, je ne visualisais qu'une grande lumière baignant toute cette manifestation.  

Une nuit, j'eus le rêve suivant : Il était particulièrement odieux et me faisait pipi dessus! Il tentait de me rabaisser par tous les moyens, mais rien ne réagit en moi, sauf un rire léger qui fusait joyeusement, je riais car je voyais Dieu en tout. Et je le disais "tout cela est Dieu, je ne vois que Dieu!" alors l'image de cet homme furieux m'urinant dessus se dissolvait dans une nuée lumineuse, il disparut en étant absorbée dans une pluie de lumière. Il n'y avait rien d'autre que Cela...

Le lendemain j'étais chez lui. Il s'était à nouveau barricadé derrière son personnage cinglant. Dans la journée j'eus un geste maladroit, et le pistolet plein de son urine me tomba des mains, en se renversant nous fumes tous les deux arrosés copieusement. il me fusilla du regard et se fit violence pour ne pas m'insulter. Bien entendu je me suis excusée et j'ai tout nettoyé. Et en même temps intérieurement tout était calme, je restais en communion de paix, je gardais mon cœur et mon esprit en cette douce Lumière, malgré les apparences, il n'y avait plus d'adhérence au film qui se déroulait. Le soir, avant de partir,  il était dégagé de toute suffisance et me parla avec une vraie gentillesse d'une fleur de son jardin que j'aimais particulièrement...

"Peux-tu te respirer en tout?" me soufflait le feu de l'Esprit.

Deux jours plus tard, alors que je me préparais pour ma journée de travaille je fus prise de panique. D'un coup tout mon corps tremblait et une vague de sanglots me traversa. En même temps je regardais ce qui se passait sans bien comprendre, il n'y avait rien en l'instant pouvant justifier ce qui m'envahissait. Cela ne venait pas de moi. Puis tout redevint incroyablement calme. Peu de temps après, juste avant que je parte pour me rendre chez lui, on me téléphona pour me dire de ne pas me déranger, le Monsieur venait d'expirer.

La nuée de lumière l'avait absorbé dans son grand amour...

Se réveiller du rêve d'être une personne éveillée qui éclabousserait de sa présence lumineuse tous les individus approchant son aura, et voir qu'il n'y a pas d'autre que SOI, et donc personne à changer si ce n'est la façon dont on regarde la vie, réaliser enfin qu'il n'y a qu'UN SEUL ÊTRE se vivant ainsi...

Et, en toute humilité,

Cela, je le suis.

Namaskar

Domiji

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
L
Meeeerci Domiji, de la part de l'infirmière
D
:o)