Sadhana

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Sadhana

Lorsqu'on chante, ou qu'on écoute des chants sacrés, la densité vibratoire qui donne l'impression d'être un individu séparé, avec toute sa masse historique, est allégée. Ce que je perçois c'est que l'accumulation de poches, de bulles qui semblent construire l'égo est comme soufflée par le chant sacré. Cet éparpillement donne de l'espace à l'Espace. C'est l'instant de grâce durant lequel la légèreté de l'Être se manifeste. Cela ne mettra pas fin à l'illusion de la séparation, mais permet de goûter ce que peut être la vie sans le poids de la mémoire du corps mental/émotionnel.

On dit que certains sons sont effectivement porteur de guérison, d'alignement, d'élévation... En fait il me semble qu'ils peuvent libérer certaines poches de vasana, ou en éclaircir l'opacité et c'est cette transparence qui permet l'expression de l'Être véritable. Cet état de grâce ne dure pas car les sphères chargées des constructions du moi se re-déposent, induisant l'identification à la masse émotionnelle/mentale. Mais le parfum d'Eternité nous a effleuré, alimentant la nostalgie du paradis perdu.

La dévotion intense, la bhakti, cet élan d'amour qui nous fait adorer Dieu, avec ou sans forme, au point de dire:" oui à tout parce que tout est TOI ", au point de s'oublier complètement et de n'aspirer plus qu'à se fondre en LUI, est un feu dévorant qui détruit nombre de vasana. Encore une fois, cela n'amène pas la libération, mais cet amour peut devenir si exclusif qu'il nous détourne de la frivolité du monde, le mental est obsédé par Dieu, le cœur n'aspire qu'à Lui... alors les bulles mondaines sont cramées, ou elles n'ont plus aucun intérêt, elles se dégonflent faute d'être alimentées. On a alors l'impression que l'Amour Parfait se répand en nous, mais c'est la disparition d'un certain nombre de tendances qui permet à l'Amour, qui est l'essence même de l'Existence, d'exhaler son parfum.

Quand l'Inde est rentrée dans ma vie, mon cœur s'est ouvert à une bhakti brûlante pour le Sadguru, et cela a réduit en cendre une bonne partie de mes illusions, paradoxalement mon intellect a été immédiatement nourri par l'enseignement de Ramana Maharshi. Ne me demandez pas comment j'ai pu concilier les deux, je n'en sais rien. Cela se faisait tantôt avec la bakthi , tantôt avec l'advaïta. La compréhension de l'advaîta apporte un grand détachement face à l'illusion du monde. Beaucoup de tendances sont comme asséchées par l'intuition de l'unité de la vie et l'absence d'adhérence au jeu de maya.

La répétition d'un mantra est l'une des disciplines les plus indiquées, en Inde, pour se libérer du mental, et donc du mirage de la séparation. Même le Maharshi préconisait de se poser la question :"Qui suis-je", comme un mantra, afin d'atteindre le Silence de Ce qui Est. Alors un jour, je me suis assise et j'ai décidé que puisqu'au bout de ce mantra le Soi se révèlerait, et bien je ne bougerais pas de ma position jusqu'à que cela soit ! Cela a duré des heures et des heures et des heures, jusqu'à en avoir la nausée... Puis il y eut un instant de flottement, je ne répétais plus rien... et quelque chose dans mon cœur chantait le mantra ! Ce n'était pas moi, la petite personne avec sa violence acharnée, avec cette volonté terrible pour qu'il se passe quelque chose, qui avait produit ça. Mais j'avais fini par me taire, soûlée par mes répétitions sans joie, et durant cette pause Cela se révélait dans un douceur exquise, sans violence, sans forcer quoi que ce soit, du seul fait de mon abdication ! J'ai compris alors combien une certaine forme de sadhana pouvait être une déclaration de guerre, au lieu d'un acte d'amour et de communion avec soi.

Cette histoire illustre aussi le fait que c'est souvent quand on arrête la sadhana que Cela se révèle, quand on arrête de gesticuler, d'appeler, de vouloir, quand on intègre enfin que le petit moi ne peut absolument rien et que c'est la réalisation de son impuissance et son abandon à Ce qui Est qui semble permettre la libre expression de l'Être.

Une sorte de discipline spirituelle peut se dérouler naturellement en nous, Cette Intelligence de Vie opère en douceur alors la nécessaire libération de l'encombrement égotique. Sinon ce n'est que violence qu'on s'inflige, sans oublier la rigidité dans laquelle on s'enferme et qui construit une nouvel égo spirituel, très fier de ses prouesses yoguiques ! D'ailleurs certains désirs se dissolvent tout simplement en les vivant (parfois en revivant le même scénario plusieurs fois jusqu'à l'écœurement...).

Et puis il y a le Satsang, être en présence d'un Guru authentique. (Ceci dit quelque soit le guru, si on le perçoit comme l'expression du Soi, Cela enseignera exactement ce dont on a besoin, de la même façon que si on s'assoit au pied d'un arbre, le considérant comme une divinité qui va nous libérer de nous même , il y a de forte chance pour que l'arbre nous enseigne, puisque ABSOLUMENT TOUT EST CELA !).

Je ne peux que constater une puissance colossale émanant du Guru. Ce n'est pas forcément ce qui est dit ou fait durant un darshan, mais La Présence qui, comme le chant sacré, mais à la puissance mille, souffle sur les nœuds névrotiques qui assombrissaient l'Être, en l'emprisonnant dans son cauchemar égotique. Une extase peut se produire du fait de la disparition brutale de cet encombrement. Cela se manifeste souvent au début de la rencontre avec le Guru. Après la lune de miel, on dirait que les choses tournent au vinaigre ! En fait les vasana sont toujours là, même si quelques-unes ont été évacuées du fait de l'apparente "ré-union" avec la réalité intérieure. Ce qui se passe le plus souvent c'est qu'une fois que le lien d'amour avec le Guru s'est établi, le travail de retour peut commencer et va souvent durer des années. Et durant ces années il arrive qu'on se sente pis qu'avant ! On a parfois l'impression de régresser. En fait, La Présence du Guru semble même alimenter nos mauvais penchant, ou mettre le chaos dans notre vie matérielle, ou nous rendre plus malade. L'énergie du guru peut être terrible, Sa compassion n'est pas toujours comprise. La véritable compassion va venir trancher les nœuds de l'égo. Elle va faire ressortir les vasana qui empêchent la lumière de passer. Elle va les alimenter de différentes façons jusqu'à qu'elles explosent. Mais ce qui est du fait de la grâce du Guru, c'est que tout est vécu en accéléré, et tout est vu à travers un miroir hyper-grossissant, pour être sûr qu'on ne passe pas à côté ! Et s'il n'y avait pas Son Amour et Son humour se serait tout à fait insupportable.

Mais tout cela ne libérera pas du rêve de la séparation. Cela va alléger considérablement la nature égotique, au point même de la rendre fluide et transparente permettant la joie de l'Être de s'étirer en un sourire bienheureux. Au point de pouvoir respirer le parfum délicieux de cet Amour incommensurable, et d'en répandre la fragrance autour de soi. Au point aussi de rayonner parfois de ce Soleil intérieur à travers un regard ensoleillé.

Mais l'ultime retournement en Soi n'appartient qu'au Mystère insondable du Silence d'où l'on vient...

Namaskar,

Domiji

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